Nizar Issaoui, l’ancien footballeur qui s’est récemment immolé par le feu, a été inhumé vendredi à Haffouz. Cette délégation relevant du gouvernorat de Kairouan s’est voilée d’un rideau de tristesse en cette fin du mois saint. La famille du défunt a sombré dans la panade. Et sa ville natale a connu des heurts dans la nuit de jeudi à vendredi. Les insurgés reprochaient aux autorités un cuisant échec dans la gestion des affaires de la cité.
Le prix exorbitant des bananes exposées par un marchand impitoyable aurait été à l’origine du mal. C’est la version circulant de bouche à oreille et à travers plusieurs médias. Mais qu’en est-il vraiment ? A qui la faute ? A un commerçant fraudeur qui n’hésite point à exploiter ses concitoyens et semblables, à l’inertie des autorités peinant à réguler le marché, ou encore à un égoïsme allant crescendo depuis l’arrivée des «passeurs du Paradis»?
Une chose est sûre : Nizar est parti pour un monde meilleur sinon beaucoup mieux que cet ici-bas infernal. Mais qu’est-il resté de lui ? Une inscription : «l’histoire n’est qu’un éternel recommencement». Douze ans après l’immolation tristement célèbre de Mohamed Bouazizi et après un long égarement, c’est le retour. Le retour à la case départ : des dominés insurgés contre les dominants, des gouvernés peu satisfaits de leurs gouvernants et des comptes d’apothicaires à n’en pas finir.En fixant le prix des bananes à 5D le kilo, l’Etat pensait, à tort, être en mesure de secourir les pauvres et les miséreux. Ce même Etat aurait négligé que les Tunisiens ont la mémoire courte, qu’ils ont tout oublié des raisons du soulèvement de 2011 : une tyrannie excessive. D’autant qu’ils seraient changés en kitsch pour ainsi perdurer dans la station de correspondance entre l’être et l’oubli.
Pis. Aborder des thèmes aussi graves comme ceux de l’économie et de la société avec le mélo de la téléréalité et non avec la rigueur de l’économiste et la pertinence des sociologues relève d’un conte de derviches. Mais la plupart des gouvernants de la Tunisie nouvelle n’auraient pas lu nos sociologues. Sinon, ils auraient pu réaliser qu’il est impératif de comprendre de l’intérieur les ajustements en cours de la société tunisienne. Qu’ils frisent le désespoir ou qu’ils s’ouvrent sur de réelles promesses, ces mêmes ajustements sont à analyser, afin de mieux saisir les ruptures et continuités d’une nation en ébullition.